
Entre la trilogie de 1984, et Oyana, visite dans les coulisses du mouvement basque ETA, il y a eu Taqawan et Donnacona, Restigouche aussi. En ces derniers récits, Éric Plamondon semble opérer un mouvement de retour vers ses terres natales. Celles de la jeunesse et des années de formation de la personne qu’il est maintenant!
Cette démarche se confirme encore plus avec Aller aux fraises, publié au Quartanier, un recueil de nouvelles d’histoires issues des années entre le secondaire et le collégial, au moment où tant de choses se décident, sans qu’on ne le sache nécessairement au moment où on le vit!
Personnellement, j’avoue être entré dans cet univers plamondien de manière inattendue. C’est Pomme S que j’ai lu en premier et il m’a fallu faire à rebours les romans du cycle, désormais officiellement constitué, de 1984. Je ne l’ai pas lâché depuis.
On le suit encore dans ce mouvement de retour. Après les Objets Littéraires Non Identifiés (OLNI) que formaient les composantes de la trilogie, qui s’engageaient sur les traces de figures mythiques de la culture, on est en territoire moins extravagant. Mais ce n’est pas parce que l’on est en terreau familier que rien ne se passe. Pour qui est attentif, pour qui porte l’oreille au sol et cherche à savoir de quoi le chemin est fait, revenir chez soi porte fruit!
Le livre regroupe trois nouvelles : Aller aux fraises, Cendres et Thetford Mines. La première tourne autour d’un événement souvent célébré : le bal des finissants du secondaire. On est alors davantage dans l’univers paternel puisque c’est avec son père que vit le narrateur à ce moment-là. La seconde est une histoire qui semble faire partie du folklore paternel. La troisième aborde le temps des années de Cégep. Le personnage est alors chez sa mère, puisque c’est à Thetford Mines qu’il va poursuivre sa scolarité collégiale.
La première et la dernière sont en quelque sorte cousues l’une à l’autre et la seconde semble représenter un temps d’arrêt. Elle pourrait paraître étrangère à l’ensemble. Ce n’est pourtant pas le cas. Avec elle, on fait le tour d’un univers territorial. On est en banlieue de Québec, là où père et fils sont nés et ont longtemps habité. En plus, cette histoire est relayée par le narrateur depuis ce que son père a pu lui en dire. Cette présence plane donc quelque peu sur l’ensemble de ce recueil. On est là où finit quelque chose. On ne le sait pas encore; mais c’est un moment qu’il faudrait marquer d’une pierre blanche. L’auteur le fait avec ce recueil.
Il est certain que cette présence est fondamentale dans la première nouvelle. D’abord parce qu’elle marque la fin d’une cohabitation père-fils, que cela est sous-jacent à l’histoire. Le départ qui se prépare se fera sur un fond de révélation, qui fera voir au fils autre chose de son père que la figure tutélaire qu’il représente, qui lui permettra de voir l’homme derrière ce rôle. De l’entrevoir avant de quitter le nid familial pour une autre portion de cette vie qui l’attend.
Avec Thetford Mines, on passe de l’autre côté des choses. On entre dans un autre univers. Certes, il est marqué par la liberté acquise. Mais il porte aussi l’empreinte d’un roman familial à la moderne, fruit d’un couple séparé. L’auteur ne fait pas un plat de cette situation. C’est simplement qu’à ce moment-là, sa vie est fondée sur ses échanges de résidence. Les termes du « papa à plein temps, maman en fin de semaine » s’inversent et les jalons de la vie future sont posés en même temps.
Il ne faut pas en dire plus. Cela gâcherait votre plaisir. Appréciez donc ce recueil qui collige trois nouvelles ajoutant d’intéressantes nuances à l’univers de l’auteur. Des moments d’apprentissage? Je ne crois pas vraiment. Il faudrait dire que sont décrits là les prémisses à celui-ci, à ce qui ne peut manquer d’arriver et que l’on appelle, faute de mieux, la vie d’adulte!
Éric Plamondon
Aller aux fraises
Le Quartanier
Série QR
2021
112 pages