LITTÉRATURE : La vraie nature d’un Québec indépendant

Préfacé par Natasha Kanapé Fontaine, ce livre réunit les textes des membres de Québec Solidaire, les élu.es, surtout, que sont Catherine Dorion, Andrés Fontecilla, Ruba Ghazal, Christine Labrie, Alexandre Leduc, Émilise Lessard-Therrien, Vincent Marissal, Manon Massé, Gabriel Nadeau-Dubois. Michaël Ottereyes vient se joindre à l’ensemble et ajouter son expertise de coresponsable de la Commission nationale autochtone à Québec Solidaire. Tous disent la même chose depuis leurs point de vue particulier; pour faire ce qu’ils envisagent de faire, cette refondation de notre coin de pays, reparti sur des bases nouvelles, il faut l’indépendance, selon eux et elles. Il ne s’agit pas de la faire pour la faire, mais bien pour prendre la direction, collectivement, que demandent les impératifs et urgences de notre présent.

Les convictions indépendantistes de Québec Solidaire ont parfois fait l’objet de doute. Elles semblaient à certains des velléités plus qu’une réelle orientation politique bien définie. Ce livre confondra les sceptiques. Mieux encore, on peut dire qu’un Gabriel Nadeau-Dubois, par exemple, solutionne l’énigme de la quadrature du cercle en ramenant celui-ci à sa fondamentale rotondité.

Là où les penseurs et ténors de la pensée indépendantiste des années 60 ont hésité entre aller vers la révolution nationale ou enclencher une révolution sociale, où le tout a résulté en une coalition arc-en-ciel où gauche et droite se rencontraient au sein du Parti Québécois, Québec Solidaire décide de faire les deux. Il ne vaut pas la peine, selon lui, de faire pays sans décider aussi du même coup le cadre politique que le nouvel état se donnera. Libérer une nation n’a pas de sens si ceux et celles qui la composent sont encore et comme avant les victimes de forces économiques qui les dépassent et les asservissent.

En plus, cette indépendance sera celle des peuples qui composent les différentes nations au sein du Québec. Le geste de rupture permettrait donc aussi de s’entendre sur un nouveau partenariat avec les nations autochtones. Elles aussi, elles surtout, doivent pouvoir s’extirper du cadre colonial qui continue de définir leur relation avec le pouvoir central, issu d’une occupation illégitime.

Il est une autre raison impérative de le faire, selon Christine Labrie et ses compères, et elle est de nature écologique. Ce Canada qui nous a été imposé, dont le projet n’a jamais fait l’objet d’une quelconque consultation auprès du peuple, nous rappelle Alexandre Leduc, est après tout un état pétrolier dans le cadre duquel il sera toujours difficile de se donner des cibles de réduction énergétique. Ce sera aussi l’occasion de définir, avec l’aide du peuple même, grâce à la mise sur pied d’une assemblée constituante, le type d’état que les Québécois voudront bien se donner. Cela permettrait en plus d’échapper, nous assure Vincent Marissal, grâce à la mainmise totale sur une fiscalité désormais pure affaire québécoise, à la trajectoire fiscale néolibérale mondiale.

On le sait, de nombreux leviers de contrôle nous échappent de plus en plus, tant une certaine déréglementation vise de plus en plus à favoriser de grandes corporations de plus en plus puissantes et de plus en plus en mesure de dicter leurs conditions qui seraient celles, nous affirment-elles, d’un libre marché synonyme de démocratie. Or, la direction que prend ce monde nous incline à douter de cette équation par trop commode et facile. Faire éclater le cadre, nous dit Manon Massé, permettra de reprendre le contrôle de nos vies et de notre bien-être.

À travers les nombreux textes, il devient assez clair que l’ensemble a été bien pensé. Bien que chacun y aille de son propre angle d’approche, on voit immanquablement revenir des convictions communes fortes, une orientation assumée. Reconnaissance des peuples autochtones, démarche concertée avec eux pour l’obtention de l’indépendance, refonte politique et socioéconomique pour assurer notre avenir à la fois comme peuple distinct et membre d’un monde qui se dérègle, affranchissement d’un néolibéralisme dont on ne se méfie pas assez tant il semble, à court terme, qu’on en bénéficie largement : on retrouve là les fondements d’une démarche qu’il reste évidemment à définir de façon détaillée. La formule d’une assemblée constituante, par exemple, a déjà été adoptée par des nations et cela n’a pas donné, pour dire le moins, des résultats convaincants.

Mais se donner des bases fortes est essentiel. Cela permet d’avoir les assises nécessaires quand il faudra naviguer à travers une mise en action tangible de cette mission, quand le parti sera confronté aux contingences qu’impose la réalité politique. À ce moment-là aussi, il faudra savoir résister; mais cette fois, ce sera aux chants des sirènes du pouvoir. Ce petit livre pourra alors faire figure de jalon et de rappel.


Sous la direction de Sol Zanetti

Ce qui nous lie. L’indépendance pour l’environnement et nos cultures

Éditions Écosociété, Collection Hors Série, 2021

136 pages