THÉÂTRE: Le cri primal de Natasha Kanapé Fontaine

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Natasha Kanapé Fontaine, photo: Godefroy Mosry

Ce n’est pas un spectacle de théâtre, de slam ou de musique. Ce n’est pas un récital de poésie ni une performance non plus. Mais c’est un peu tout ça que nous offre la magnétique et incandescente Natasha Kanapé Fontaine avec Tshishikushkueu. Inspirée de son recueil Bleuets et abricots, l’artiste nous lance en orbite dans un saisissant espace intersidéral et interdisciplinaire.

La scène est presque nue. Un grand cercle holistique de fil rouge est au sol. Trois panneaux – un carré, un rectangle et un cercle – sont suspendus à l’arrière et servent d’écran vidéo.

La prêtresse Natasha Kanapé Fontaine peut s’avancer et entreprendre ses incantations. Son spectacle Tshishikushkueu crée un espace sacré où tout peut arriver, du cri primal à l’élévation de l’esprit. Elle occupe tout l’espace, gracieuse, précise dans ses gestes et ses pas. Le spectacle bilingue, en innu et en français, met en scène une artiste forte et fière, mais tout autant fragile.

Les textes de Natasha Kanapé Fontaine remontent le temps et les saisons pour mieux s’enraciner dans le territoire. Avec une poésie engagée, faite de revendications et de réappropriation. Féministe aussi, l’artiste érige la femme innue ou femme de l’espace en visage de l’avenir pour sa nation.

Natasha Kanapé Fontaine, photo: Godefroy Mosry

Les émotions sont fortes, presque insoutenables par moment. Dans une scène singulière, le cri primal de Natasha Kanapé Fontaine dénonce les viols et les violences, l’indifférence et le rejet. Impressionnant.

Elle chante aussi de sa voix cassée. Des chants qui semblent issus de la nuit des temps. Entre mélopées, litanies et complaintes. Mais Natasha Kanapé Fontaine ne s’apitoie pas sur son sort ou celui des Innus. Elle se projette dans un monde de réunification des corps et des esprits, de la terre et du ciel.

Très bien entourée à la dramaturgie (Joséphine Bacon), à la scénographie (Charles Koroneho), aux éclairages et à la vidéo, l’artiste démontre une assurance, acquise à la scène (Muliats) et à la télé (Unité 9), avec sa présence scénique envoûtante.

Concentrée, elle surmonte ainsi facilement les quelques hésitations ou trous de mémoire. À un autre moment, elle communie sympathiquement avec les spectateurs en distribuant des bleuets dans la salle. Son cercle de sanation est inclusif.

Sur scène, il n’est jamais facile de mêler les genres et les disciplines. Le spectacle Tshishikushkueu de Natasha Kanapé Fontaine n’est pas parfait à cet égard, mais dans ses moments forts et sensibles, l’intensité de la poète-actrice-chanteuse peut déplacer des montagnes d’émotion.

Les bêtes – les humains – et les moins bêtes – les caribous – ne pourront pas résister longtemps à son appel.

Natasha Kanapé Fontaine, photo: Godefroy Mosry

Tshishikushkueu d’après Bleuets et Abricots est présenté jusqu’au 7 septembre au Théâtre La Chapelle.