THÉÂTRE: Rentrée parfaite chez Duceppe

François-Simon Poirier dans Toutes les choses parfaites, photos: Caroline Laberge

Retourner au théâtre! Impensable il y a quelques semaines à peine, mais fait et bien fait chez Duceppe. Un acteur sympathique, François-Simon Poirier, dans une mise en scène énergique de Frédéric Blanchette. Toutes les choses parfaites… ou presque.

La scène a quelque chose de surréel. Une entrée en salle au compte-gouttes, puis cet immense espace duceppien qui pourrait nous avaler. Non. Des sentinelles disposées un peu partout dans la salle et un décor chaleureux de Jeanne Ménard-Leblanc ont tôt fait de réconforter le spectateur craignant le vide après sept mois de distanciation non brechtienne.

Présenté en formule 5 à 7 en 2018 et 2019, le spectacle de 70 minutes a été retravaillé pour meubler la grande scène de Duceppe en y ajoutant quelques scènes inédites. Du dramaturge britannique Duncan Macmillan, âgé de seulement 40 ans, on avait déjà vu ici l’excellente pièce Des arbres (Lungs) avec Maxime Denommée et Sophie Cadieux.

Dans Toutes les choses parfaites, le comédien beaucoup associé au théâtre jeunesse jusqu’ici, François-Simon Poirier, apporte la touche finale à ces touchantes retrouvailles, en apparaissant sur scène avant le début de la pièce, affublé d’une combinaison hermétique, masque et visière, afin de prendre des nouvelles des spectateurs et de donner les directives sanitaires d’usage.

Le sujet de la covid sera d’ailleurs évoqué de temps à autre pendant le spectacle puisque la pièce Toutes les choses parfaites (traduction de Jean-Simon Traversy de Every Brilliant Thing ) requiert la participation sécuritaire du public. Cette belle complicité représente l’un des éléments clés de la mise en scène de Frédéric Blanchette eu égard aux circonstances inhabituelles que l’on vit présentement.

Le personnage interprété par François-Simon Poirier connaît aussi un existence particulière en raison d’une mère victime de dépression chronique. Pour s’égayer, elle et lui, l’enfant commence à l’âge de sept ans une liste des choses qu’il considère parfaites – de la crème glacée jusqu’au fait que Beyoncé et Mahler ont un lien de parenté – et qu’il continuera d’allonger jusqu’à l’âge adulte.

L’homme qu’il deviendra, malgré l’amour de sa copine, ne peut éviter de ressentir et d’exprimer une angoisse profonde, celle de l’enfant devant un adulte qui a pensé au suicide toute sa vie. Sa liste deviendra sa bouée, son point d’ancrage, voire des raisons de vivre qu’il transmet un sourire dans la voix. Tout au long du récit scénique, des airs de l’âge d’or du jazz se font entendre pour souligner l’émotion du personnage.

Autres personnages

Tous les autres personnages, excluant la mère, soit le père, le vétérinaire, la voisine et la petite amie, sont « interprétés » par des membres du public. D’autres, dans la salle, liront des extraits de la liste de choses parfaites au signal du comédien sur scène. Procédé, d’ailleurs, quelque peu lassant.

Ce bémol n’enlève rien à la dynamique interprétation de François-Simon Poirier qui entre et sort de son rôle à la perfection. Le comédien, qui dira avoir attendu 15 ans avant d’avoir son premier rôle chez Duceppe, occupe très bien la scène. Dirigé par la main experte de Frédéric Blanchette, il effectuera même un tour de la salle complet au pas de course.

Oui, c’était la pièce parfaite pour briser la glace du confinement et réussir ce retour au théâtre. Le spectacle célèbre de manière sympathique la communion sacrée entre un comédien et un public avides. Cette comédie dramatique, en parallèle avec la crise actuelle, nous rappelle que, malgré l’inquiétude ambiante, la vie continue. Parfaite dans ses imperfections.


La pièce Toutes les choses parfaites est présentée chez Duceppe jusqu’au 27 septembre.