DANSE : Mélanie Demers, créatrice heureuse

Après sa création fort bien accueillie lors du dernier FTA, La goddam voie lactée de Mélanie Demers revient en saison à l’Agora de la danse, du 6 au 9 octobre.

À la suite du marathon de Danse mutante en 2019, où elle a fouillé le côté sombre de la force, Mélanie Demers cherche à devenir une créatrice heureuse, travaillant dans le plaisir avec des interprètes de haut niveau. C’est ce que la chorégraphe, qui n’a pas peur des grands sujets, comme ici, l’identité féminine, dit avoir atteint avec La goddam voie lactée.

« Dans la création, il y a quelque chose du collectif. J’adore quand la création me dépasse. Quelque chose se passe quand la création prend une tournure à laquelle je n’avais pas pensé. La goddam c’est un retour à moi, mais pour être mieux avec les autres, pour devenir un meilleur porte-voix pour les interprètes qui me choisissent encore. La création, c’est comme la marche en forêt. Soit on marche pour trouver le château au loin ; soit on le fait pour entendre des bruits jamais entendus et voir la beauté invisible au premier regard. J’en suis à cette forme de marche. »

La goddam voie lactée n’a donc pas été revue et corrigée depuis sa présentation en distanciation de deux mètres au FTA en juin dernier. La chorégraphe dit avoir adoré les contraintes d’alors qui lui ont permis d’explorer des zones différentes de sa démarche et d’avoir une signature particulière.

Le spectacle se présente comme une messe païenne qui explore une psyché féminine plurielle. Une pièce féministe qui accorde une voix aux artistes qui y prennent part.

« C’était pas prévu comme ça. Je voulais un peu répondre aux mouvements #metoo et Black Lives Matter. Comme chorégraphe, je me demandais ce que ça voulait dire pour moi de répondre à ces cris-là. Jusque-là, même si je suis féministe, je donnais plus facilement la voix aux hommes dans ma vie artistique. Je me projetais dans ces artistes et j’ai voulu renverser la vapeur. »

La chorégraphie fait intervenir quatre danseuses, Stacey Désilier, Brianna Lombardo, Chi Long, Léa Noblet Di Ziranaldi et la compositrice, musicienne et chanteuse Frannie Holder.

« C’est un spectacle libérateur pour moi, inscrit dans un processus de guérison. Il a été très douloureux d’accoucher de Danse mutante, alors que La goddam a été créée dans la joie. Même si ça représente quelque chose de sombre, la création a été très solaire. On a développé un sentiment de sororité ensemble. »

Mélanie Demers, photo: Sabrina Reeves

« On est souvent reléguées, comme femmes, poursuit-elle, à un rôle de Schtroumpfette, à une seule chose, alors que les Schtroumpfs masculins ont une palette beaucoup plus large. Je voulais nous donner la possibilité d ‘être spectrales, plurielles, hétérogènes et que nos discours se contredisent puisqu’ils font partie de cette pluralité féminine et de sa richesse. »

Richesse comme celle qu’on suppose dans toute la voie lactée. Avec ce que ça représente de doux ou de brisé, de calme et d’explosif, de réfléchi et de spontané. « On est tous et toutes pris.e.s dans cet univers même s’il est en expansion. »

Travail, travail

Mélanie Demers travaille beaucoup. Elle a également préparé, avec deux artistes qu’elle admire beaucoup – Angélique Wilkie et Frannie Holder -, un spectacle intitulé Confession publique. Ce solo sera présenté au théâtre La Chapelle à la fin novembre.  » Angélique est une merveilleuse danseuse de 60 ans. J’aime beaucoup les corps atypique ou vulnérables. C’est une belle rencontre avec elle et la magnifique voix de Frannie. »

Puis, au printemps, elle présentera à l’Agora de la danse une toute nouvelle création, Cabaret noir, développée en laboratoire l’an dernier au Prospero.

« Je suis allé dans l’idée de la construction de l’identité noire. Qu’est que c’est ? Comment ça nous façonne ? Serait-ce même un fantasme ou une utopie ? Peut-on s’en extraire ou notre enveloppe corporelle est tatouée sur le corps ? C’est encore une fois, avec les interprètes, une façon de présenter la négritude dans une forme spectrale. « 

Ce sera tout de même un spectacle ludique, promet-elle. Elle sera sur scène avec des artistes provenant à la fois du théâtre et de la danse. Comme créatrice, Mélanie Demers dit avoir été influencée autant par Spike Lee que Passe-partout et la série télé Lance et compte.

« On s’empare des clichés, on les déplie. C’est une forme d’origami avec ce qu’est le fait d’être noir pour chacun.e d’entre nous. C’est très libérateur aussi. Je tiens à garder une forme cabaret avec texte à la main, mais où le spontané est très présent. »

La goddam voie lactée, photo: Mathieu Doyon

La goddam voie lactée est présente à l’Agora de la danse du 6 au 9 octobre.