
Poète, romancière, essayiste, Louise Dupré est une figure incontournable de la littérature québécoise. Voici un extrait de son recueil exceptionnel, Plus haut que les flammes, publié en 2010 au Noroît.
ta douleur ne te borde pas
elle ne s’échange pas
contre des denrées rares
elle n’est pas périssable
elle poursuit son chemin
à côté de toi
et de l’enfant
qui ne veut pas apprendre
l’arithmétique
du mourir
l’enfant a une fenêtre
ouverte dans la poitrine
avec vue
sur le courage
des espèces qui croissent
et se multiplient encore
sous l’œil affamé
des prédateurs
l’enfant ne veut pas
installer en lui
la douleur
comme elle s’est installée
dans tes cellules
avec sa lumière froide
et tu cherches à la contenir
en la couvrant d’un drap
de soie
ou d’une volonté
chaque fois naissante
chaque fois survivante
car elle ne prend pitié
de personne, la douleur
elle se présente arme
au poing
elle vise le battement
de l’amour
elle t’a forcée à errer
les yeux crevés, l’âme
crevée

« J’écris l’enfance, ses espoirs et déceptions, ses blessures. J’écris la mort, la mort toujours tragique, comme réalité irrémédiable. Le féminisme restera toujours impuissant face à cette condamnation. J’écris l’amour. » Quatre esquisses pour une morphologie in La théorie, un dimanche, Remue-Ménage, 1988, réédité en 2018)
Dans ses romans, ses recueils, ses essais, Louise Dupré ne cesse de réfléchir et de nous amener à voir le monde avec son regard juste et généreux. Parce qu’au delà de la douleur, qui n’est rien d’autre qu’un test envoyé par la mort, la cruauté et les crimes, il y a le courage des femmes et la consolation de l’enfance dans leur marche à l’amour.
Louise Dupré sait dénoncer les lumières froides imposées par les tortionnaires tout en exposant une volonté qui survit malgré tout. Louise Dupré porte l’espoir d’une fenêtre ouverte dans sa poitrine.
Son recueil Plus haut que les flammes a été adapté au cinéma par Monique Leblanc dans une lecture de Violette Chauveau. Un film admirable et émouvant.