THÉÂTRE : Peter James, chapelier toqué

Peter James, photo: Dana Michel

Peter James est prêt à tout risquer pour atteindre le pays des merveilles, celui où il peut exister librement. Pendant deux soirs au Théâtre La Chapelle, le chapelier toqué et ses amis (s’)offriront de la création à l’état pur où le très noir et le violent se marieront aux éclairs de génie et à la poésie. Deux « anti-shows » de six heures avec des beaux fous et folles comme lui. À leurs risques et périls et envies!

Liberté. L’artiste archi-multidisciplinaire Peter James l’a cherchée toute sa vie et c’est ce qu’il servira au public avec Exorcisme / Ré / Dam / Tion / Extatique. Pouvoir aller au bout de soi-même sur une scène sans filet de sécurité avec les dangers que cela implique. Sans filtre, sans masque et sans tabou.

« J’essaie de m’auto-libérer de moi-même. Je me donne la permission d’être exactement ce que je suis. Pour moi, l’art c’est violent. En partie parce que je viens d’un milieu sous-prolétarien avec de la violence, des familles d’accueil… Ma vision de la vie, du savoir et de la mort vient d’en bas. »

Peter James est un self-made créateur, un touche-à-tout, toutes disciplines confondues. Maintenant sexagénaire, il estime qu’il s’agira probablement de ses deux derniers spectacles. Sans subventions et sans bourses, précise-t-il.

 » Je me permets de faire des choses que j’ai toujours voulu faire et que je n’ai pas faites. Il y a toujours Éros et Thanatos dans ce que je crée. Je risque beaucoup en me plaçant dans des positions difficiles. Il n’y a pas de charme ni de séduction. C’est une soirée entre le public et nous, un happening-conférence où il y a un dialogue et de la performance. « 

Créer c’est risquer de se tromper. Ce qui est merveilleux c’est de pouvoir le partager avec des spectatrices et spectateurs assis.e.s sur le bout de leur siège. Les messes profanes de Peter James existent avec et pour les gens qui communient à ce sentiment exaltant du « tout-peut-arriver ». Le mystère demeurant le plus beau des risques.

Artistes libres

Partageant son désir du tout et du rien, la chorégraphe Catherine Tardif et le musicien Érick d’Orion en seront. Pêle-mêle, il y aura aussi un corps-à-corps avec le danseur Peter Jasko, les ex-circassiens Maxime Blériot, Tristan Robquin et Basile Herrmann Philippe font désormais de la performance, et encore, un hommage à Brigitte Fontaine, de l’électro et du noise. Improvisations, oui, mais pas que.

« Les gens qui sont avec moi sont avertis. Ils savent dans quoi ils se mettent les pieds. Comme moi, ça les enthousiasme et ça les effraie. La peur est un moteur. Ma force c’est la présence. Quand j’arrive quelque part, incluant sur une scène, je suis présent sinon je ne me sens pas bien. Mais je veux perdre le contrôle aussi et voir ce qui va surgir entre vous et nous. « 

Depuis maintenant 40 ans, il a collaboré, voire inspiré des artistes aussi différents que le Cirque Éloize, Céline Bonnier, Nathalie Claude, Michel Lemieux & Victor Pilon, Nicolas Cantin, Lara Kramer, Dana Michel, Frédérique Gravel, Catherine Vidal, Félix-Antoine Boutin et Manuel Roque, notamment.

La pratique de Peter James descend directement de celles du Théâtre expérimental, fondé en 1979 par Jean-Pierre Ronfard, Robert Gravel, Anne-Marie Provencher et Robert Claing. Son spectacle est donc celui d’un homme qui a toujours été en état de survie, « aux aguets » comme dirait Deleuze, dixit James. Tel le chat qui sait retomber sur ses pattes.

« L’animal en moi est toujours là. Ce qu’on voit en scène, quelques éclairages de Jean Jauvin, des éléments de décor filmés par Rodolphe Gonzalez, c’est une matière brute comme moi. »

Peter James, photo: Nicolas Cantin

Les rituels demeurent importants pour cet artiste sans étiquette. Un genre de cérémonie ou de célébration à ne pas confondre avec un certain conformisme en art vivant.

« Tout ce que je vis en art est de l’ordre de l’initiatique. Les gens qui viennent nous voir, qui s’ouvrent et qui communient avec nous, le vivront aussi. Le profane et le sacré c’est comme pleurer et rire. Le profane est important dans le sacré. »

À la veille de ces deux soirées inédites et éphémères, la crise pandémique reste présente dans ses pensées.

« Notre civilisation est sur le bord de l’abime. On ne sait pas ce qui va se passer dans trois ans. C’est anxiogène ce qu’on vit et ce qu’on va faire sur scène est imprégné de ça. Je suis en train de lire Philippe Sollers à propos de La divine comédie de Dante et ça m’inspire profondément. »


Exorcisme / Ré/ Dam / Tion / Extatique est présenté les 24 et 25 septembre de 19H à 1h au Théâtre La Chapelle